Introduction au thème de la mémoire
« Le terme « mémoire » est l’un de ceux que l’extension démesurée du champ sémantique propose à tous les malentendus. » (La mémoire humaine : une approche structuraliste, Serge Nicolas[1])
SOMMAIRE
- Définition de la mémoire
- Histoire accélérée du concept de mémoire
- Revue des sous-thèmes
- Sujets de dissertation sur la mémoire
- Types de connaissances relatives à la mémoire
- Stratégies de travail
- Ressources sur la mémoire
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Quelle a été ma réaction en découvrant le thème de la mémoire ?
Je lui trouve deux particularités.
La première est sa relative originalité. En comparaison, les thèmes des deux années précédentes, la parole (2017) et le
corps (2018), sont plus classiques dans la mesure où ils étaient déjà tombés il y a une vingtaine d’années (la nature en 1991-1992 et le corps en 1993-1994) ; où ils ont une importance non
négligeable dans le programme de philosophie de terminale[2] ; et où ils correspondent à de grandes notions philosophiques – la mémoire, elle, n’est même pas élevée au rang de faculté
majeure de l’esprit.
La seconde particularité de ce nouveau thème de culture générale est sa relative précision. En effet, bien que le concept
de mémoire présente lui aussi plusieurs dimensions – la mémoire individuelle et la mémoire collective, par exemple – et une certaine polysémie, il est moins vague que celui de nature et moins
ambigu que celui de corps. De surcroît, son antonyme, l’oubli, est bien moins fertile que la culture ou l’esprit.
J’évoquerai les implications pratiques de ces deux particularités tout au long de cette introduction au thème, et plus particulièrement dans les deux dernières
parties, consacrées aux types de connaissances mobilisables et aux stratégies de travail pour préparer les dissertations de culture générale des concours en prépa HEC.
Je vais maintenant vous donner quelques éléments de définition du concept, après quoi je synthétiserai son histoire, de laquelle je déduirai les sous-thèmes ainsi
que des exemples de sujets de dissertation.
DEFINITION DE LA MEMOIRE
Commençons par regarder l’étymologie, qui est toujours instructive.
Le nom féminin « mémoire » est issu du mot latin memoria, « la mémoire » au sens de l’aptitude à se souvenir, et de son pluriel memoriae, qui
désigne, lui, un recueil de souvenirs, renvoyant ainsi à la mémoire comme un espace de stockage. Le latin permet donc de distinguer les versions dynamique et statique du concept.
N’y a-t-il rien du côté du grec ?
Si : le préfixe « mnémo » provient du grec ancien μνήμη, mneme, qui signifie « souvenir, mémoire ». On le trouve par exemple dans le mot
« mnémotechnie », l’ensemble des méthodes spéciales facilitant la mémorisation ; ou encore dans l’« hypermnésie », l’activité anormalement élevée de la mémoire
(l’écrivain André Malraux ou le champion d’échecs Gary Kasparov sont par exemple hypermnésiques). Ce préfixe d’origine grecque invite à concevoir la mémoire comme une faculté
intellectuelle.
Ainsi, l’étymologie du mot « mémoire » ne clarifie que partiellement le concept : elle met en lumière la distinction entre le processus et le
contenu, mais elle les considère surtout à l’échelle individuelle.
Passons maintenant à la définition proprement dite.
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Je vais la simplifier afin de faciliter sa mémorisation[3] (J) et sa mobilisation en dissertation de culture générale par l’élève de prépa HEC. Je vais également
préciser, pour chaque sens, les synonymes possibles, car ils permettront de ne pas trop répéter le mot « mémoire » dans la copie, et plus particulièrement d’adapter les paragraphes
« tout cuits ».
Je pense qu’on peut définir efficacement la mémoire de trois manières différentes :
1° La capacité à fixer, conserver, puis rappeler ou reconnaître une chose, comme dans cette citation :
La mémoire est nécessaire pour toutes les opérations de l’esprit.
— Pensées, Pascal
→ Les rares synonymes possibles (et imparfaits) de cette acception sont les locutions du type « la capacité/faculté de mémorisation, de rétention,
d’apprentissage, etc. », voire éventuellement l’imagination, si on considère qu’elle conditionne la mémoire.
2° L’action de recourir à cette capacité, comme dans cette citation : « Je puis avoir fait des choses dont j’aurais regret, et dont je
n’ai nulle mémoire. » (Cléanthis dans Amphitryon, Molière).
→ De multiples synonymes sont possibles pour cette acception, tant dans le sens
a) du stockage de l’information : la mémorisation, la conservation, la rétention, la sauvegarde, l’apprentissage, etc. ; que de celui
b) du rappel de l’information : le rappel, la reconnaissance, l’évocation, la remémoration, la réminiscence, la mémoration,
etc.
3° Le souvenir, c’est-à-dire le contenu de mémoire associé à une personne (la mémoire de mon arrière-grand-père), à un groupe de personnes (la
mémoire des soldats de la Première Guerre mondiale), ou un événement historique (la mémoire de la Shoah) qui peuvent mériter commémoration, c’est-à-dire une cérémonie dédiée à la
manifestation explicite du souvenir.
→ Les synonymes possibles de cette acception sont le souvenir, le ressouvenir, la souvenance, la ressouvenance, la remembrance (poétique), la survivance, l’image,
la trace, le vestige, le stigmate.
Je n’ai pas retenu les acceptions trop précises du mot (liturgique, juridique, informatique, etc.) et j’ai regroupé, dans le troisième sens, les dimensions
individuelle et collective du souvenir. J’ai mis en évidence les concepts de capacité, d’action et de contenu parce qu’ils sont ceux qui permettent de comprendre et de mémoriser (J) les trois
définitions. Enfin, je mentionnerai les définitions les plus récentes dues à la psychologie cognitive dans la prochaine partie, l’histoire accélérée du concept.
De mon point de vue, les trois sens généraux du concept de mémoire – capacité, action, et contenu – suffisent amplement pour traiter tous les sujets de dissertation
de culture générale en prépa HEC.
☆ ☆ ☆
Il sera cependant aussi nécessaire de connaître le sens de divers termes connexes[4]. Voici les principaux (rangés par ordre
d’importance décroissante) :
Le souvenir (du latin subvenire : « se présenter, venir au secours, se présenter à la
mémoire ») :
1°) l’unité de contenu de la mémoire (« les meilleurs souvenirs de mon enfance »)
2°) par extension, l’élément, généralement matériel, qui renvoie à un contenu de mémoire (« la cicatrice est le souvenir de l’accident »)
3°) la faculté même de la mémoire (devenu rare).
L’oubli (du latin obliviscor : « ne pas se souvenir ») :
1°) manque de souvenir
2°) non-rappel volontaire du souvenir, voire pardon (ex : « J’ai oublié ta maladresse. »).
La réminiscence (du latin reminiscor : « se rappeler quelque chose ») :
1°) action de se rappeler un souvenir à peu près effacé
2°) ce souvenir à peu près effacé lui-même
3°) emprunt inconscient fait par une personne (les artistes, notamment) à une autre.
L’amnésie (du grec ancien ἀμνησία, amnesía : « oubli ») : l’incapacité, ponctuelle ou
permanente, partielle ou totale, à se rappeler un souvenir.
L’image : l’impression (unité de contenu visuelle) laissée dans la mémoire conçue comme un espace de
stockage (cf. l’image du morceau de cire d’Aristote).
Le cerveau : le siège de la mémoire (faculté/action/contenu).
L’histoire (du grec ἱστορία, historía : « enquête, compte-rendu ») :
1°) récit des choses dignes de mémoire (cf. la conception d’Hérodote, « le père de l’Histoire » selon Cicéron)
2°) ces choses elles-mêmes (par exemple, l’histoire de France)
3°) la science humaine qui consiste à produire ces récits.
Le devoir de mémoire (théorisé après la Seconde Guerre mondiale) : l’obligation morale
a) de se souvenir d’un événement historique tragique
b) en reconnaissant les souffrances des victimes
c) dans le but d’empêcher que de tels crimes soient commis à nouveau.
Voici pour les définitions des principaux termes connexes.
Vous pouvez trouver toutes les définitions nécessaires pour les concours en consultant mon lexique simplifié sur le thème de la mémoire.
☆ ☆ ☆
Pour finir, que nous disent les langues étrangères ?
En anglais, la mémoire et le souvenir se traduisent par le même mot transparent, memory. On peut également noter que le verbe « se
souvenir » se dit non seulement to remember, mais aussi to recollect qui présuppose un traitement de l’information, lors de l’opération de rappel, pour assembler un contenu dispersé (to
collect signifie « rassembler, recueillir, ou plus simplement collecter », comme dans to collect data, « recueillir des données »). Autre spécificité notable,
« rappeler à quelqu’un » se traduit par to remind, verbe formé directement à partir du nom commun mind, « esprit » – l’anglais met donc l’accent sur le lieu de l’opération
quand le français signale l’opération elle-même (le rappel).
En espagnol, la mémoire se dit la memoria, et le souvenir el recuerdo, dérivé du verbe recordar, « se rappeler », lui-même issu
du verbe latin recordor, « se souvenir », qui a donné le nom commun français « le record », un exploit enregistré, et le verbe anglais to record, « enregistrer ».
L’espagnol est donc imprégné par la conception de la mémoire comme opération d’enregistrement.
En allemand, enfin, le nom neutre das Gedächtnis, formé à partir de gedacht, le participe passé du verbe denken, « penser,
concevoir », signifie à la fois la mémoire et l’esprit (plus rarement la commémoration). Le souvenir se traduit par le nom féminin die Errinerung, ou plus notablement par le nom neutre das
Andenken, formé lui aussi à partir du verbe denken. Ainsi, l’allemand souligne l’affinité entre la mémoire et la pensée.
HISTOIRE ACCELEREE DU CONCEPT DE MEMOIRE
Dans la tradition scolastique (le mélange de la philosophie grecque avec la théologie chrétienne), la mémoire est une des trois grandes
facultés de l’âme (avec l’intelligence et la volonté) ; mais diverses disciplines ont ébranlé cette définition.
Aujourd’hui, le sens commun conçoit surtout la mémoire dans le paradigme matérialiste, comme un mécanisme de stockage de l’information.
Nous allons voir que la philosophie a eu grosso modo le monopole de l’analyse du concept jusqu’au début du XIXème siècle, où a commencé le rapprochement entre la
psychologie expérimentale et la recherche clinique.
La mémoire est ensuite devenue l’objet (non exclusif) d’une science, la neuropsychologie expérimentale.
Mais reprenons depuis le début.
☆ ☆ ☆
Dans l’Antiquité, la mémoire était source de mystère. Entre autres débats, on se demandait si elle était une dimension spirituelle ou une
faculté animale.
Les Grecs en ont fait une déesse, Mnémosyne[5] (de μνήμη, mneme : « souvenir, mémoire »), la Titanide fille d’Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la
Terre), qui aurait inventé tous les mots des hommes (même « ubérisation » ?), et serait également à l’origine de tous les arts en tant que mère des neuf muses. De fait, leur
culture a été d’abord poétique et orale avant d’être philosophique et écrite – en cela, la mémoire primait le logos.
En philosophie, les présocratiques ont, très tôt, défendu des hypothèses sur le rôle du cerveau à l’égard de l’esprit, de l’intelligence, et de l’âme qui peuvent
être rapprochées des théories modernes sur la mémoire. Étant donné leur valorisation de l’éloquence, les sophistes comme Gorgias se sont pour leur part focalisés sur les enjeux techniques de
mémorisation.
Ensuite, la réflexion sur la mémoire a été dominée par le dialogue entre Platon et Aristote.
Platon assimile la mémoire à la réminiscence parce qu’il la conçoit dans le cadre de sa théorie des idées : se souvenir, ce serait en réalité accéder à un
savoir inné, celui tiré de la fréquentation des essences éternelles de la réalité avant la naissance.
Plus terre à terre, Aristote explique le fonctionnement de la mémoire par les trois lois de l’association : un souvenir surgit (cf. l’étymologie latine
subvenire : « se présenter ») quand il ressemble [1], s’oppose [2], ou est proche [3] de ce qui est présent à l’esprit de l’individu. Cette théorie sera notamment le socle
théorique de l’art de la mémoire du Moyen-Âge.
Si Platon et Aristote ne disposaient pas de scanners, ils ont tout de même réfléchi à localiser la mémoire : le maître la situait, comme Hippocrate avant lui,
dans le cerveau, tandis que le disciple imaginait lui que le cœur contrôlait toutes les facultés mentales en produisant la chaleur et que le cerveau ne servait qu’à la réguler. La première
théorie précise de localisation de mémoire sera due à Hérophile, un médecin grec du IIIème siècle avant J.-C., qui la plaçait dans une cavité remplie de liquide du cerveau (le liquide expliquait
peut-être la plasticité mémorielle).
Concernant l’enjeu de la mémorisation, comme les orateurs de l’Antiquité n’avaient pas de prompteurs, ils avaient recours à des mnémotechnies pour retenir leurs
très longs discours, au point que ces techniques deviendront un art à part entière, l’ars memoriae.
Créée selon la légende par le poète grec Simonide de Céos au VIème siècle avant J.-C., cette tradition des « lieux de mémoire » sera transmise à Rome,
reprise et popularisée par saint Augustin (les « palais de la mémoire ») sous l’angle descriptif, puis par Cicéron sous l’angle pratique ; elle passera ensuite dans la tradition
occidentale jusqu’au Moyen-Âge ; et enfin à la Renaissance, où le culte de l’Antiquité et la valorisation de l’érudition feront chauffer les disques durs.
Naturellement, la création de l’imprimerie au XVème siècle (par Gutenberg) et l’apparition du livre, un support fixe et stable de stockage de l’information,
précipiteront le déclin de l’art de la mémoire.
☆ ☆ ☆
Les prémices d’une analyse plus scientifique, dite parfois « neuropsychologique », de la faculté intellectuelle, sont visibles au
XIXème siècle.
On commence à poser la pluralité de la mémoire, comme le philosophe et mathématicien Maine de Biran qui distingue la mémoire représentative (quand elle se rapporte
à des idées ou des images), mécanique (quand elle est vide de représentation), et sensitive (quand elle se rapporte à des sensations du sujet).
Les premières études expérimentales sont conduites à la fin du siècle. Le père de la psychologie expérimentale de l’apprentissage Hermann Ebbinghaus s’attelle à la
mesure de la durée de la mémoire : il trouve que l’oubli est très rapide dans les premières heures, et que près de 80 % du contenu appris est perdu dans le mois. Étudiant l’amnésie pour
comprendre la mémoire, le psychologue Théodule Ribot montre que la maladie atteint d’abord les souvenirs récents et instables, avant de se porter vers ceux qui sont plus anciens et stables. Le
psychologue évolutionniste américain William James entérine la thèse de la nature composite de la mémoire en distinguant la mémoire primaire (les informations disponibles dans le présent) et la
mémoire secondaire (les informations conscientes sur le passé).
Parallèlement, la psychanalyse met en évidence le fait que la mémoire est chargée de sentiments et que son contenu est chiffré (comme le révèlent les rêves). En
philosophie, Bergson défend une conception spiritualiste de la mémoire en la privant de support anatomique.
☆ ☆ ☆
À partir du début du XXème siècle, l’étude de la mémoire subit l’influence du behaviorisme (inspiré par les travaux de Pavlov sur les
chiens), la branche de la psychologie qui réduit le comportement à des enchaînements logiques et observables de stimuli et de réactions. On bannit donc les études introspectives pour se focaliser
sur l’apprentissage et le conditionnement.
Le paradigme change cependant au début des années 1960 grâce aux sciences de la communication et à l’informatique. C’est l’avènement de la psychologie dite
« cognitive », qui compare le cerveau humain à un ordinateur permettant de saisir l’information, de la stocker, de la rappeler, de la décoder, voire de la supprimer (sauf que ça ne se
fait pas en deux clics…). C’est également le retour de la neuropsychologie cognitive[6], la discipline (fondée par Paul Broca dans la seconde moitié du XIXème siècle) qui part du principe que
toute activité psychique est sous-tendue par un processus cérébral. Elle produira toutes les données disponibles sur le cerveau au XXème siècle.
On doit l’hypothèse du fractionnement de la mémoire au neuropsychologue canadien Donald Hebb, qui différencie la mémoire à court terme, dont le fonctionnement
relèverait de l’électricité, et la mémoire à long terme, qui dépendrait elle de processus chimiques.
Les expériences confirment la conception multisystème de la mémoire, car en confrontant les lésions cérébrales aux perturbations cognitives, on s’aperçoit qu’elles
affectent certaines formes de mémoire tout en en laissant d’autres indemnes.
☆ ☆ ☆
Si l’étude scientifique de la mémoire invite à parler de mémoires au pluriel, quelles sont-elles, et comment les
classer ?
Les résultats des recherches ont donné naissance à une abondance de qualificatifs, dont les plus connus sont :
– la mémoire à court-terme vs. à long terme
– la mémoire de travail
– la mémoire épisodique
– la mémoire sémantique
– la mémoire autobiographique
– la mémoire spatiale
– la mémoire des habitudes vs. cognitive
– la mémoire implicite vs. explicite
– la mémoire déclarative vs. procédurale.
Étant donné que la taxinomie de la mémoire est profuse, compliquée, et qu’elle est encore, au moins pour partie, à l’état d’hypothèse – les résultats sont récents,
et donc susceptibles d’évoluer dans l’avenir proche – je vous en propose une version simplifiée, plus facile à mobiliser dans les épreuves de dissertation de culture générale en prépa
HEC.
Je pense qu’on peut retenir la tripartition de la mémoire en mémoire sensorielle, mémoire à court-terme (ou mémoire de travail), et mémoire à long
terme.
Le schéma de cette conception le plus connu est le modèle d’Atkinson et Shiffrin (1968), qui est plutôt efficace pour expliquer l’amnésie :
La mémoire sensorielle est celle qui fonctionne avec les perceptions des cinq sens (vue, ouïe, odorat, goût et toucher). Elle permet par exemple de rentrer chez soi
– si ça n’est pas un Airbnb – sans y réfléchir, de manière inconsciente.
On la divise notamment en mémoire iconique (celle de la perception visuelle), grâce à laquelle une suite d’images fixes est perçue comme une vidéo, et mémoire
échoïque (celle de la perception auditive), qui stocke automatiquement les sons en leur donnant un effet d’unité.
Au début des années 1960, le psychologue américain George Sperling a évalué sa durée à quelques centaines de millisecondes.
La mémoire à court terme consiste en l’enregistrement des événements du quotidien. C’est grâce à elle qu’on se souvient d’un visage croisé dans la rue (avant
d’aller sur happn) ou d’un numéro de téléphone entendu. Elle permet également d’effectuer un traitement sur les éléments temporairement stockés, comme dans l’exercice de la traduction simultanée.
Elle est donc impliquée dans tout processus de raisonnement (lecture, écriture, ou calcul).
Elle a été qualifiée de mémoire « de travail » par le psychologue britannique Alan Baddeley au début des années 1970 parce qu’elle contribue au maintien
temporaire, à la sélection et à la manipulation d’informations pendant la réalisation de diverses tâches cognitives.
La capacité de stockage, ou « empan », de la mémoire à court terme est de 7 (plus ou moins 2) items[7].
La mémoire à long terme enregistre les événements significatifs (anciens ou récents), le sens des mots, ainsi que les aptitudes manuelles. Si elle est
potentiellement illimitée, elle est en même temps assez faillible – l’information subit des déformations et perd en fiabilité avec le temps.
Elle consiste principalement en trois processus de base que sont l’encodage, le stockage, et la récupération de l’information. L’encodage est l’opération grâce à
laquelle le mot « citron », par exemple, renvoie à un fruit rond et jaune. La récupération, qui est soit un rappel (une restitution active et volontaire), soit une reconnaissance, fait
passer le souvenir de la mémoire à long terme à la mémoire à court terme.
En 1972, le neuropsychologue estonien Endel Tulving a distingué, au sein de la mémoire à long terme, la mémoire sémantique (les concepts et les connaissances sur le
monde considérés indépendamment du contexte de leur acquisition) et la mémoire épisodique (les événements passés de la vie de l’individu).
J’en ai terminé avec la taxinomie simplifiée de la mémoire.
Si vous voulez plus de détails, vous pouvez lire mon article « L’étude scientifique de la mémoire ».
☆ ☆ ☆
Au XXème siècle, le concept de mémoire a également pris un nouveau sens à l’échelle collective, relativement à l’histoire et à la
politique.
Les historiens anciens centraient certes leurs récits sur des tragédies de guerre, mais la Shoah et les autres crimes commis par les nazis ont fait naître l’idée
d’un devoir de mémoire, que j’ai défini plus haut comme l’obligation morale de se souvenir d’un événement historique tragique, en reconnaissant les souffrances des victimes, dans le but
d’empêcher que de tels crimes soient commis à nouveau.
Même si l’expression « devoir de mémoire » avait déjà été employée par des historiens dans les années 1980 et au début des années 1990, son origine la
plus probable est le titre d’un livre posthume (1995) du rescapé d’Auschwitz Primo Lévi, l’auteur de Si c’est un homme. Elle a ensuite été reprise et popularisée dans le contexte du 50ème
anniversaire de la libération des camps. Pour la petite anecdote, la formule n’est pas de Primo Lévi lui-même, mais de l’éditeur qui la trouvait bien dans l’air du temps.
Sur le plan conceptuel, l’idée d’un devoir de mémoire est antérieure à l’expression. Dès sa création en 1945, le mouvement déporté qui regroupe les survivants des
camps nazis s’est en effet donné un double objectif : 1° faire vivre le souvenir de la Shoah, ce qui constitue un culte des morts ; 2° empêcher le retour des conditions politiques et
sociales favorables à l’instauration de régimes susceptibles d’imiter l’Allemagne nazie, ce qui est un objectif politique.
À la fin du XXème siècle, le devoir de mémoire a été étendu de la Shoah à d’autres crimes de l’histoire, comme le génocide arménien (1915-1917), l’esclavage, ou
encore le génocide rwandais (1994). Il existe en France quatre lois mémorielles qui reconnaissent de tels crimes historiques et pénalisent leur négation : la loi Gayssot de 1990 relative au
génocide juif ; la loi du 29 janvier 2001 relative au génocide arménien ; la loi Taubira de 2001 relative à l’esclavage ; la loi Alliot-Marie de 2005 relative à l’histoire
coloniale française.
Devenu d’usage courant, voire banal dans les médias, et plus globalement dans l’opinion publique, le concept est aujourd’hui critiqué pour son omniprésence, sa
relative inefficacité, et ses supposés effets pervers (dont par exemple la concurrence mémorielle).
Si vous voulez plus de détails, vous pouvez lire mon article « Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ».
☆ ☆ ☆
En conclusion, il existe aujourd’hui de multiples définitions concurrentes de la mémoire, souvent propres à une discipline (et donc à
un paradigme).
Les neurosciences la définissent comme la capacité d’acquérir, de conserver, puis de restituer une information ; la psychologie comme l’adaptation du
comportement en fonction de l’expérience passée ; l’informatique comme un dispositif physique voué à la conservation et la restitution de données ; l’histoire comme le souvenir,
individuel ou collectif, de faits historiques déterminants.
Les sciences dures ont découvert que la faculté intellectuelle n’est pas cantonnée à une seule région du cerveau, car elle y fonctionne en
réseaux ; mais elles hésitent encore sur l’échelle d’étude du phénomène : la mémoire est-elle une question de neurones (échelle macroscopique), ou de cellules et de molécules (échelle
microscopique) ?
La compréhension des mécanismes de la mémoire semble désormais étroitement dépendante du progrès technique. Ce sont essentiellement les techniques de la tomographie
par émission de positons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMF) qui ont permis les découvertes des quinze dernières années.
Cette histoire accélérée du concept de mémoire n’est certes pas exhaustive, mais elle me paraît plus que suffisante pour affronter les épreuves de dissertation de
culture générale des concours. Si vous souhaitez aller plus loin, vous pouvez lire mes autres articles de cours ainsi que mes synthèses d’idées qui sont listés tout en bas, dans la rubrique
« Ressources sur la mémoire ».
REVUE DES SOUS-THEMES
Comme chaque année, j’ai réfléchi à structurer le thème en sous-thèmes afin de permettre à l’élève de prépa HEC de s’y repérer
efficacement.
J’ai tout d’abord distingué la mémoire individuelle et la mémoire collective. Tout comme le corps (le thème de l’année dernière), la mémoire s’appréhende
principalement à l’échelle de l’individu ; c’est pourquoi je fais de la mémoire collective un sous-thème à part entière, tandis que je divise la mémoire individuelle en tous les autres
sous-thèmes.
Ensuite, j’ai classé les sous-thèmes liés à la mémoire individuelle en allant du plus général au plus précis, après quoi j’ai ajouté le sous-thème de la mémoire
collective.
Je vais présenter brièvement chaque sous-thème et indiquer entre parenthèses mon estimation, bien sûr approximative, de son poids (en pourcentage) dans le thème
global.
1/ La faculté de l’esprit (15%)
C’est ainsi que la mémoire a longtemps été considérée dans les traditions philosophique et scolastique, lesquelles ont eu le monopole de l’étude du concept pendant
très longtemps.
2/ La fonction neurologique (15%)
Les diverses sciences qui ont pris le relais des deux traditions définissent la mémoire comme une fonction neurologique.
3/ La réminiscence (10%)
La réminiscence est un phénomène particulier de la mémoire – d’où le moindre poids du sous-thème – dont le mystère a interrogé les philosophes et inspiré les
artistes.
4/ L’oubli (10%)
L’oubli est une situation particulière – d’où, là aussi, le moindre poids du sous-thème – porteuse d’enseignements sur la mémoire (l’étude de l’amnésie a beaucoup
fait progresser l’analyse scientifique de la mémoire).
5/ Le souvenir (15%)
J’entends le souvenir au sens du contenu même de la mémoire, et en cela il mérite que l’on s’y attarde plus que sur les deux sous-thèmes précédents.
6/ La mémoire et la conscience (15%)
La mémoire est d’une importance cruciale à l’égard de l’appréhension, par le sujet, de la réalité extérieure, de l’existence ainsi que de sa propre
identité.
7/ La mémoire collective (20%)
Ce septième et dernier sous-thème est principalement consacré à l’histoire et au devoir de mémoire (il existe d’autres formes de mémoire collective). Il a un poids
supérieur parce qu’il concentre à lui seul la seconde dimension du concept.
Un élément de connaissance ou une référence peuvent bien évidemment être classés dans plusieurs sous-thèmes. Il faut alors les placer dans celui auquel ils se
rattachent le plus.
Voilà tout pour la revue des sous-thèmes.
Sachez que mes manuels 50 paragraphes tout cuits sont organisés selon cette même structure, à partir de laquelle j’ai déterminé le nombre et la répartition des
idées, des références, ainsi que des paragraphes.
SUJETS DE DISSERTATION SUR LA MEMOIRE
Dans cette partie de mon introduction, je vais tenir à jour jusqu’aux concours une liste de sujets de dissertation sur le thème de la
mémoire.
N’hésitez pas à m’en proposer d’autres en m’écrivant à romain@1000-idees-de-culture-generale.fr ou en commentant des posts de la page Facebook La mémoire – Prépa
HEC.
Je classe les énoncés selon trois niveaux de difficulté :
– le premier regroupe les sujets plutôt faciles dans la mesure où ils sont assez généraux, ne posent pas de souci de compréhension, et présentent un faible enjeu de
problématisation – c’est l’idéal pour commencer à disserter sur le thème de la mémoire en en revoyant les notions essentielles, mais il est peu probable que de tels énoncés tombent aux
concours ;
– les sujets du deuxième niveau sont plus difficiles parce qu’ils sont moins généraux et qu’ils demandent un effort de problématisation – je dirais qu’ils peuvent
tomber aux épreuves ECRICOME et de l’EM Lyon ;
– ceux du troisième niveau comportent au moins un véritable défi de problématisation – auquel peuvent donc s’ajouter d’autres sources de difficulté – et cet aspect
en fait des candidats pour les épreuves de HEC et l’EDHEC-ESSEC.
Je les classe également du plus facile au plus difficile à l’intérieur de chaque niveau.
Les plans détaillés de tous ces sujets sont disponibles dans la Bibliothèque de plans détaillés.
Niveau 1 :
Suis-je mon passé ?
Que peut-on connaître de son passé ?
Le passé est-il encore réel ?
Qu’est-ce qu’une bonne mémoire ?
La mémoire est-elle une faculté de l’âme
?
La mémoire est-elle une faculté du corps ?
Avons-nous plusieurs mémoires ?
Les souvenirs sont-ils fidèles ?
Doit-on se souvenir de tout ?
Peut-on vivre sans mémoire ?
Peut-on tout oublier
?
Que faut-il garder en mémoire ?
La mémoire fait-elle le bonheur de l’homme ?
L’oubli n’est-il qu’une défaillance de la mémoire ?
Oublier, est-ce la condition de la vie humaine ?
Faut-il
oublier pour être libre ?
Cultiver sa mémoire est-il toujours utile ?
La mémoire n’est-elle qu’une technique ?
La mémoire est-elle « l’intelligence des sots » ?
La mémoire est-elle une vertu
?
La mémoire contribue-t-elle à la culture ?
La mémoire est-elle conciliable avec l’Histoire ?
L’histoire est-elle une grande mémoire ?
La mémoire peut-elle être collective ?
La
mémoire collective est-elle plus fiable que la mémoire individuelle ?
Faut-il construire une mémoire collective ?
Un peuple sans mémoire peut-il être libre ?
Peut-on dire que le passé n’est
jamais mort ?
La mémoire est-elle la reconstruction ou la résurrection du passé ?
Les souvenirs sont-ils des images du passé ?
La mémoire fait-elle obstacle à la vérité ?
Que peut la mémoire
face au temps ?
La mémoire est-elle un fardeau ?
La mémoire est-elle un obstacle au bonheur ?
Tout s’apprend-il ?
Niveau 2 :
Faut-il lutter contre l’oubli ?
Est-on libre d’oublier ?
L’oubli est-il révélateur ?
L’oubli est-il un acte moral ?
Oublier, est-ce pardonner ?
Un homme sans
mémoire est-il encore un homme ?
La mémoire nous soustrait-elle au temps ?
La mémoire est-elle un dépôt ?
La mémoire est-elle purement matérielle ?
Jusqu’où remonte la mémoire ?
Pourquoi les
hommes éprouvent-ils le besoin de commémorer leur passé ?
La mémoire peut-elle être un instrument politique ?
Se souvient-on pour agir ?
La conscience du passé
. Les limites de la mémoire
La
vertu de l’oubli
. Le partage de la mémoire
. Qu’est-ce qu’un passeur de mémoire ?
La mémoire vraie.
La mémoire sélective.
La mémoire vivante
. La mémoire suffit-elle à l’historien ?
Perdre
la mémoire.
Retrouver la mémoire.
Mémoire et conscience.
Mémoire et identité.
Mémoire et pensée.
Mémoire et habitude.
Mémoire et écriture.
Savoir et souvenir.
L’effort de mémoire.
Reconnaître un souvenir.
Mémoriser
Mémoires.
Niveau 3 :
Pourquoi se venger ?
Qu’est-ce qu’un témoin ?
Ma mémoire et moi.
L’art de la mémoire.
Le théâtre de la mémoire.
L’invention de la mémoire.
L’oubli de la
mémoire.
La mémoire affective
. La nostalgie
. Se souvenir des belles choses.
Le droit à l’oubli.
Le devoir de mémoire.
Les lieux de mémoire.
Faire du passé table rase.
« Avec le temps,
tout s’en va. »
. La mémoire la plus longue.
Les leçons de l’histoire.
La vérité historique
. Mémoire et récit.
Les méandres de la mémoire
. Les abus de la mémoire.
L’héritage et les
héritiers.
Mémoires d’éternité
. La réminiscence
. L’image souvenir
. La trace
Transmettre
. Tradition et raison
. Anticiper.
Déjà-vu.
TYPES DE CONNAISSANCES RELATIVES A LA MEMOIRE
Je commence par un petit rappel indépendant du thème : la philosophie est certes la perspective intellectuelle la plus importante pour
les épreuves de dissertation – la raison majeure en est, à mes yeux, que la place qu’y tient le questionnement correspond très bien à l’esprit de l’exercice – et les profs ont tendance, c’est
humain à donner une préférence à leur spécialité ; mais l’intitulé de la matière (« culture générale ») laisse libre, et invite peut-être même l’élève de prépa HEC à mobiliser une
grande diversité de références (philosophie, littérature, histoire, théâtre, cinéma, économie, etc.).
Bien sûr, une copie dont 80% des références sont des films sera (légitimement) pénalisée[8], donc il faut tout de même conserver un certain équilibre qui privilégie
les références philosophiques et littéraires – mais l’essentiel n’est pas là.
L’essentiel, ce sont les deux critères primordiaux de la qualité d’une référence : 1° elle est pertinente, c’est-à-dire qu’elle étaye bien l’argument du
paragraphe ou, si elle est mobilisée en accroche, qu’elle correspond bien au sujet ; 2° elle est maîtrisée, soit en pratique développée en plusieurs phrases qui l’expliquent en la reliant à
l’argumentation.
Concernant le thème de la mémoire, maintenant, il renvoie prioritairement à quatre types de connaissances (ordre d’importance décroissante) :
– les idées philosophiques ;
– les descriptions artistiques ;
– les résultats scientifiques ;
– les réflexions historiques.
Étant donné que ce thème est relativement précis, le potentiel de synergie est réduit – la probabilité est moins grande de pouvoir recourir à des connaissances du
programme de philosophie de terminale, de celui de culture générale de première année de prépa HEC, voire d’autres matières – et par conséquent le travail d’acquisition des connaissances
essentielles est plus important que les deux années précédentes.
Pour acquérir efficacement ces connaissances essentielles, vous pouvez lire mes autres articles de cours ainsi que mes synthèses d’idées qui sont listés tout en
bas, dans la rubrique « Ressources sur la mémoire ».
Autre spécificité : le thème est relativement original dans la mesure où les hypothèses scientifiques y ont progressivement pris la place des spéculations
philosophiques. La première implication pratique est que le préparationnaire est contraint de se familiariser avec les avancées récentes de la science (ainsi que sa terminologie), ce qu’il peut
faire en lisant mon article « L’étude scientifique de la mémoire ». La seconde est qu’il devra s’entraîner à combiner, dans ses dissertations, des références culturelles avec des
références relevant davantage des sciences dures.
Concernant la question de l’originalité des références, pour finir, je recommande généralement aux élèves de prépa HEC d’appliquer un genre de loi de Pareto :
au doigt mouillé 80% de références « classiques », au sens où on escompte raisonnablement qu’elles ne surprendront pas le correcteur ; et 20% de références « originales »
qui ont vocation à rafraîchir l’esprit du lecteur.
RESSOURCES SUR LA MEMOIRE
Lexique simplifié sur le thème de la mémoire
10 paragraphes « tout cuits » sur la mémoire
.
L’histoire selon Hérodote. L’histoire selon Thucydide. La réminiscence selon Platon. La mémoire et la réminiscence selon Aristote. L’art de la mémoire selon Cicéron. La mémoire selon Plotin. La mémoire selon saint Augustin . La Querelle des Anciens et des Modernes. La Révolution de France selon Edmund Burke. L’habitude selon Maine de Biran. L’oubli selon Nietzsche. La mémoire selon William James. La mémoire selon Alain . Matière et mémoire selon Bergson. L’acte manqué selon Freud . Le refoulement selon Freud . La madeleine de Proust. La négritude selon Césaire. Le concept d’histoire selon Walter Benjamin . La misère de l’historicisme selon Karl Popper. La mémoire collective selon Maurice Halbwach. s L’inconscient collectif selon Jung. Le progrès historique selon Lévi-Strauss. La conscience historique selon Raymond Aron. La galaxie Gutenberg de Marshall McLuhan. Comment on écrit l’histoire selon Paul Veyne. La violence et le sacré selon René Girard. L’ordre spontané de Hayek . L’habitus de Bourdieu. Le devoir de mémoire. La mémoire, l’histoire, l’oubli selon Paul Ricoeur. Les abus de la mémoire selon Tzvetan Todorov.
Descartes.
[2] La parole dans la notion « La culture » (le chapitre « Le langage ») et le corps dans « La matière et
l’esprit ».
[3] Ce serait le comble de ne pas faire un peu de mnémotechnie dans une introduction au thème de la mémoire.
[4] Ces définitions ont également été focalisées sur le thème, puis simplifiées par mes soins.
[5] Un paragraphe de 50 paragraphes tout cuits lui est dédié.
[6] Elle est aussi qualifiée d’approche « anatomo-clinique ».
[7] Elle a été mesurée à la fin du XIXème siècle par le maître d’école anglais Joseph Jacobs.
[8] On m’a raconté le cas d’un élève qui s’était mis à citer uniquement des tableaux après que son prof avait dit trouver cela original…
[9] Certains élèves m’ont confié avoir gagné 2-3 points en géopolitique/économie en ayant adopté la méthode des paragraphes en culture
générale.
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